Les masseurs-kinésithérapeutes, comme tous les professionnels de santé, sont particulièrement surveillés par la CPAM, ambitieuse de lutter plus efficacement contre la fraude.
Si le travail du service spécialisé dans le contrôle de l’activité de chaque praticien s’est considérablement amélioré notamment avec l’arrivée de nouveaux outils innovants, la CPAM reconnait que cette « fraude » ne représente qu’une infime partie des dépenses engagées (246 milliards d’euros en 2023). Pour comprendre cette problématique de la fraude et du contrôle des professionnels de santé, encore faut-il prendre le temps de :
Comprendre la définition même de la fraude,
Appréhender la technique utilisée pour contrôler les professionnels libéraux
Identifier les raisons pouvant conduire à de telles pratiques
La fraude par un kiné libéral ? De quoi parle-t-on exactement ?
Même pendant la crise sanitaire, une des priorités de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie reste la lutte contre la fraude. En 2018, selon le rapport de la Rapport de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, 123.3 millions d’euros de fraudes, provenant des professionnels de santé eux-mêmes, avaient été détectés au détriment de l’Assurance Maladie.
Les soignants sont à l’origine de 68 % des 316 millions d’euros de versements indus détectés en 2022, pour une fraude estimée à plus de 1 milliard d’euros par an
Les masseurs kinésithérapeutes, médecins, pharmaciens, infirmiers, … étaient pointées du doigt. Le rapport de l’Assurance Maladie pour l’année 2022 soulignait ainsi que 68 % des 316 millions d’euros de versements indus provenaient des professionnels de santé. Ce même rapport estimait le montant global de la fraude à plus de 1 milliard d’euros.
D’un autre côté, les autorités sanitaires reconnaissent implicitement, qu’il ne s’agissait pas exclusivement de fraudes, puisque celles-ci sont définies comme “des faits illicites au regard des textes juridiques, commis intentionnellement (…)“. Or, qu’il s’agisse des kinés libéraux ou de tout autre professionnel de santé, ces fraudes résultent souvent d’une pratique jugée non conforme par rapport au Code de la Santé Publique mais peuvent aussi s’expliquer par une méconnaissance ou une erreur d’interprétation des textes.
Par exemple, la facturation par le kiné libéral de séances supplémentaires par rapport aux référentiels ne sera détectée que lors d’un contrôle d’activité. Il ne s’agit pas d’une fraude à proprement parler, puisque ce n’est ni intentionnel, ni illicite mais bien contraire à un cadre défini par les autorités sanitaires eux-mêmes (Les référentiels de la CNAMTS sur les seuils déclencheurs de l’entente préalable constituent ce cadre, validé par la Haute Autorité de Santé).
Les contrôles des kinés libéraux, des procédures en réclamation d’indus
Face à cette réalité, les autorités publiques ont fait de la lutte contre la fraude une priorité, et dans la mesure où les professionnels de santé sont les premiers responsables, ils sont également les premiers ciblés par cette surveillance accrue. De nouveaux outils (algorithmes, logiciels, …) permettent ainsi d’identifier les « facturations ou les profils atypiques ». Les contrôles de la CPAM sont plus efficients.
Dans sa Charte du contrôle de l’activité des professionnels de Santé, l’Assurance Maladie distingue le contrôle d’activité (davantage financier) du contrôle médical (centré sur le soin et le patient). En revanche, dans les deux cas, les sources de déclenchement de ces procédures sont identiques à savoir :
- Programme thématique décidé par l’Assurance maladie
- Identification d’anomalies ou de données atypiques (algorithme détecteur évoqué ci-dessus)
- Témoignage ou signalement d’un tiers
Lorsque ce contrôle est effectué dans le cadre d’une procédure en réclamation d’indus, c’est alors le délai de prescription de 3 ans, fixé par le Code de la Sécurité Sociale, qui est applicable. Dans la mesure où ces “fraudes involontaires” proviennent d’une erreur voire d’une incompréhension des règles de facturations, il est très fréquent qu’elles soient récurrentes dans l’activité du cabinet de kiné contrôlé. Les montants des indus (sur les 3 dernières années) peuvent donc atteindre des sommes conséquentes, et le stress ressenti par le kiné libéral mis en cause vite devenir insupportable.
Des dérives dues à la faiblesse de la rémunération des kinés libéraux ?
Si l’Assurance Maladie définit donc la fraude, elle distingue également deux grands types de comportements :
- Les activités abusives : elles sont rarissimes.
- Les activités fautives : L’intention de frauder n’est pas reconnue, même si elles se définissent le plus souvent par le caractère “réitérée des faits irréguliers au regard de textes juridiques“
Il manque des études précises sur les fraudes des kinés. Pourtant, les données montrent une prédominance d’activités fautives. Les véritables fraudes restent marginales.
Pourquoi ces fraudes augmentent elles ? Cela touche kinés libéraux et autres professions. Des contrôles plus efficaces expliquent une partie de cette hausse. La facturation est plus complexe. Cela mène à plus d’erreurs d’interprétation des règles. Beaucoup d’activités fautives n’impliquent pas d’intention de frauder. Une autre explication est avancée. Le 22 juillet 2020, M. Jean-François Dumas s’est exprimé. Il est secrétaire général de l’Ordre des kinésithérapeutes. Il a parlé devant une commission d’enquête parlementaire. La rémunération des actes est très faible. Un acte courant vaut seulement 16,13 euros. Les charges sont de 50 %. Les revenus dégagés sont limités. Cela suggère un lien avec la hausse des fraudes. La faiblesse de cette rémunération serait en partie responsable.