Si kinésithérapeute est un super métier, le plus beau des métiers selon certains, celui-ci a aussi un côté barbant : l’administratif. Et dans la catégorie administrative, les prescriptions kinés sont rarement une partie de plaisir.
Être kiné, c’est souvent jongler entre un patient aux épaules en compote, un autre qui confond « rééducation » et « massage relaxant », et une pile de dossiers qui menace de s’effondrer à chaque fin de journée. Le cœur du métier, c’est le mouvement, la récupération, le contact humain. Mais dans la réalité, une grande partie du temps se perd dans ce que beaucoup appellent la paperasse. Et, on vous l’accorde, c’est loin d’être une partie de plaisir, au contraire.
Pourtant, celle-ci occupe une place prépondérante dans votre activité et notamment les fameuses prescriptions. Car avant de poser les mains sur un genou ou un dos, encore faut-il que la prescription médicale soit correcte. Et là, souvent, c’est la loterie. Des ordonnances à moitié remplies, illisibles, trop vagues, ou encore carrément absurdes, c’est le quotidien de kiné. Le problème, c’est que derrière une prescription mal rédigée se cache bien plus qu’un détail administratif. Il y a des conséquences concrètes : une mauvaise orientation du traitement, des erreurs dans la prise en charge, voire des remboursements bloqués par la CPAM. Et, accessoirement, une perte de temps considérable pour tout le monde.
Dans un contexte où les professionnels de santé courent après les minutes, où les logiciels de facturation ressemblent à des labyrinthes, et où chaque sigle administratif a sa propre notice d’utilisation, les erreurs de prescription deviennent un vrai fléau du quotidien. Pas par incompétence, mais souvent par méconnaissance ou par automatisme.
Alors, quelles sont les erreurs les plus fréquentes que les kinés rencontrent chaque jour en décryptant les ordonnances ? Et surtout, comment les éviter sans transformer chaque prescription en thèse de médecine légale ? Topaze a décidé de plonger dans les entrailles des erreurs de prescription.
Entre flou et casse-tête administratif : les erreurs qui s’invitent sur les ordonnances
La kinésithérapie est une pratique médicale complexe et loin d’être facile à comprendre. Alors forcément, les principales erreurs dans les prescriptions sont celles qui concernent directement la technique/pratique : le manque de précision, le flou, voire l’improvisation. Exemple avec la « rééducation fonctionnelle » qui veut tout, et surtout rien dire. Quelle zone ? Quels objectifs ? Quelle pathologie ? Rien. Le kiné doit alors jouer les devins. Ce genre de flou peut sembler anodin, mais il change tout : les gestes, les techniques, la durée de la rééducation.
D’autres erreurs relèvent d’une confusion de genre : des prescriptions qui mélangent les actes médicaux et les soins esthétiques. Le « drainage lymphatique esthétique » prescrit médicalement, par exemple, c’est un classique, mais également les prescriptions qui demandent « ostéopathie + massages bien-être », comme si la kiné était un buffet à volonté où tout est remboursé par la Sécu. Résultat : la confusion s’installe, et le kiné doit rappeler, expliquer, rectifier.
Et puis il y a le grand oublié : l’appareillage. Combien de fois voit-on des ordonnances du type « Rééducation + attelle sur mesure », alors que la confection d’une attelle n’a pas le même cadre réglementaire ? Ces mélanges de genres traduisent souvent une bonne intention, celle d’aider au maximum le patient, mais se heurtent à la réalité : chaque acte a sa case, et les cases ne se mélangent pas.
D’autres erreurs, plus sournoises, arrivent ensuite et qui n’ont rien à voir avec la kinésithérapie mais qui sont plus de l’ordre purement administratif. Parce qu’une prescription, avant d’être un acte médical, est un document administratif. Et un document administratif, ça n’aime pas l’approximation. L’un des grands classiques, c’est le nombre de séances. Certains médecins, sans mauvaise intention, inscrivent « kinésithérapie x séances » sans préciser le nombre. D’autres vont dans l’excès inverse : « 50 séances », comme si le patient allait s’installer au cabinet à l’année. Ces erreurs entraînent souvent des refus de remboursement ou des demandes de rectification. Autre souci récurrent : l’oubli des mentions légales. Pas de signature, pas de date, pas de cachet — parfois même pas le nom complet du patient. Autant dire que pour la CPAM, ce genre de prescription, c’est comme un ticket de métro : ça ne passe pas.
Enfin, le grand classique, les prescriptions illisibles, griffonnées à la hâte entre deux consultations. Des hiéroglyphes plus que des mots, que même un pharmacien chevronné aurait du mal à déchiffrer. Une fois sur deux, le kiné doit rappeler le cabinet prescripteur pour être sûr de ce qu’il lit.
Prescrire sans se tromper : l’art de la bonne ordonnance
La bonne nouvelle, c’est qu’éviter ces erreurs ne relève pas de la sorcellerie. C’est surtout une question d’habitude, de clarté et de communication. Pour cela, il est important d’avoir la base : une prescription claire commence toujours par un diagnostic ou un motif médical précis. Ce n’est pas un roman, mais quelques mots bien choisis suffisent. Par exemple : « Rééducation de l’épaule droite après rupture de la coiffe des rotateurs opérée ». C’est propre, concis, et ça oriente immédiatement le travail du kiné. On évite les généralités du type « rééducation fonctionnelle », qui ne fonctionnent pour personne.
Pour ce qui est du nombre de séances, mieux vaut rester dans la mesure : une dizaine pour commencer, avec possibilité de renouveler si nécessaire. La CPAM préfère un suivi progressif plutôt qu’un marathon d’un seul trait. Et si la pathologie est chronique, on peut toujours préciser « selon évolution », ce qui laisse de la souplesse sans enfreindre les règles.
Autre réflexe utile : éviter les zones de flou entre disciplines. Si un médecin souhaite un travail sur le drainage lymphatique ou une attelle, il peut le mentionner, mais le kiné doit s’assurer que cela rentre bien dans son champ d’intervention et dans le cadre de remboursement. En cas de doute, un coup de fil au prescripteur (ou une note sur le logiciel de coordination) vaut mieux qu’une interprétation malheureuse.
Pour les aspects plus administratifs, c’est presque un jeu des sept erreurs. Une prescription correcte, c’est une prescription datée, signée, cachetée, avec nom du patient, diagnostic clair, et nombre de séances. Rien de plus, rien de moins. Ce sont des détails, certes, mais ce sont eux qui font la différence entre un soin fluide et un parcours du combattant.
Enfin, le dernier conseil — sans doute le plus humain —, c’est la communication. Entre médecins et kinés, un dialogue régulier sur les besoins réels du patient peut éviter 80 % des erreurs. Parce qu’au fond, tout le monde veut la même chose : que le patient retrouve ses capacités, le plus vite et le mieux possible. Une prescription, ce n’est pas qu’un papier, c’est un relais de confiance entre deux professionnels.

