Adapter son métier à son handicap, et non l’inverse
Faire le choix de travailler en tant que kinésithérapeute alors qu’on est malvoyant, non seulement, c’est possible, mais déjà une réalité en France. Chaque jour, des professionnels de santé exercent avec une déficience visuelle partielle ou totale, dont plus de 2000 kinés répartis sur le territoire français.
Plus que jamais, cela démontre que la kinésithérapie est un métier qui se veut accessible à tous. Mais attention : cela requiert évidemment une approche individualisée. Accompagnement personnalisé, adaptations pertinentes et un environnement favorable : tour d’horizon des possibilités pour répondre à vos questions, que vous soyez étudiants ou candidats à la formation, ou encore praticiens déjà en exercice.
Puis-je devenir kiné si je suis malvoyant et quelles conditions dois-je remplir ?
Les prérequis pour accéder à l’école de kinésithérapie quand on est déficient visuel
L’accès aux études de kiné est ouvert aux candidats en situation de déficience visuelle ou aveugles, et ce depuis toujours : en effet, sur le plan réglementaire, aucune loi ou décret n’a jamais interdit aux personnes malvoyantes ou aveugles d’accéder aux études de kinésithérapie… à condition de répondre aux critères généraux établis par l’Ordre et les instituts de formation.
Tant que le candidat est médicalement apte à exercer les gestes du métier, ce qui est évalué individuellement par l’équipe pédagogique et d’encadrement de l’étudiant, il peut suivre sa formation pour devenir kiné. Un des grands enjeux de de la formation est donc celui de la solution d’accueil proposée, mais aussi d’informer un public le plus large possible, afin que celles et ceux qui souhaitent devenir kinés puissent réaliser leur ambition peu importe leur handicap.
La structuration de l’accompagnement a donc évolué, lentement mais sûrement, en ce sens :
- depuis la fin des années 1980, l’IFMK Guinot forme spécifiquement des kinésithérapeutes déficients visuels, grâce à des supports adaptés, des enseignements spécialisés et un accompagnement individualisé.
- en 2010, nouvelle avancée : la France ratifie la convention internationale desdroits des personnes handicapées. Plusieurs IFMK “classiques” s’ouvrent alors progressivement à l’accueil d’étudiants malvoyants, avec adaptations au cas par cas grâce aux référents handicap. C’est le cas par exemple de l’IFMK Valentin Haüy, de l’IFMK Guinot, de l’IFMK de l’APSAH et de l’IFMK de Lyon
- les politiques d’inclusion dans l’enseignement supérieur (lois de 2005 puis de 2018) ont également renforcé les droits à l’accompagnement.
En pratique, on rencontre donc des kinés malvoyants en France depuis plusieurs décennies. Leur visibilité a augmenté ces dernières années grâce à la presse spécialisée et aux initiatives de l’Ordre. Les formations s’adressent aussi bien à des jeunes étudiants qu’à des personnes en situation d’évolution ou de reconversion professionnelle ou à des personnes dont la déficience visuelle fut acquise tardivement.
Certaines écoles, comme l’IFMK Guinot, proposent spécifiquement une formation adaptée aux futurs masseurs-kinésithérapeutes déficients visuels, avec un accompagnement poussé (supports en braille, cours adaptés, pratique guidée…). Le but : garantir un apprentissage sécurisé, de qualité et compatible avec la prise en charge future des patients et une rapide intégration professionnelle.
Comment se déroule la formation et la pratique pour un kiné malvoyant ?
Une fois admis, l’étudiant suit les mêmes cours, la même année universitaire et les mêmes exigences de rééducation que l’ensemble de la promotion.
Toutefois, des adaptations personnalisées sont mises en place :
- transcription des supports et outils numériques : pour favoriser l’adaptation et compenser la déficience visuelle ;
- apprentissage de techniques facilitant les déplacements : afin de gagner en efficacité et en sécurité au quotidien ;
- mode de travail collaboratif avec les enseignants et les pairs.
L’objectif principal est de favoriser l’accès à l’autonomie des étudiants et de développer une expertise sensorielle particulièrement fine, très utile en kinésithérapie.
Concrètement, la formation est constituée :
- d’enseignements sur une durée de 5 ans à 6 ans ;
- de classes théoriques et pratiques (travaux dirigés avec matériels adaptés) réparties en 3060 heures de formation de ;
- de temps de travail personnel ;
- puis 46 semaines de stages cliniques à plein temps.
Le nombre d’élèves par promotion est restreint pour garantir une accueil qualitatif (15/20 étudiants maximum) et la formation délivre un diplôme de niveau GRADE MASTER (niveau VII).
Une fois validé l’ensemble des enseignements et des stages, les étudiants peuvent présenter les épreuves du Diplôme d’Etat. La libre circulation des diplômés leur ouvre alors les portes de l’ensemble des pays de l’Union Européenne.
Comment un kiné malvoyant peut-il exercer en toute sécurité ?
Les outils et adaptations pour faciliter la prise en charge des patients
En cabinet ou en structure, un professionnel malvoyant utilise des techniques pour sécuriser son exercice au quotidien :
- table de rééducation réglée par repères tactiles
- plateau de manipulation organisé
- marquage contrasté des outils
- outils de dictée vocale et de lecture d’écran
- logiciels métier adaptés.
Le mode d’organisation doit rester simple et reproductible pour assurer une prise en charge du patient la plus fluide possible.
Quel accompagnement pour sécuriser les gestes et garantir la qualité des soins ?
Dans la plupart des cas, la pratique du masseur-kinésithérapeute malvoyant repose sur une maîtrise approfondie du toucher, de la palpation et du ressenti corporel.
De nombreux témoignages montrent que les personnes au sens visuel déficient développent une écoute manuelle encore plus précise, bénéfique en rééducation. L’environnement peut également inclure une tierce personne pour certaines tâches administratives ou visuelles à faible charge, selon les besoins.
Quels débouchés et quelles possibilités d’aménagement pour un kiné malvoyant ?
Les différents modes d’exercice possibles en France
Un kiné malvoyant peut exercer dans de nombreux contextes : cabinet libéral, hôpital, centre de santé, centre de réadaptation, structures sportives… Comme tout professionnel, il choisit son statut (salarié ou libéral), son mode d’activité et adapte son quotidien selon ses besoins. Certains privilégient la rééducation fonctionnelle, d’autres la thérapie manuelle, d’autres encore la pédiatrie ou la gériatrie.
Comment organiser son quotidien pour compenser la déficience visuelle ?
Organisation du cabinet, cheminement sensoriel, routinisation des gestes, préparation des séances, outils numériques accessibles… Les kinésithérapeutes malvoyants développent un ensemble de stratégies permettant de travailler efficacement, de sécuriser leurs déplacements et d’optimiser la prise en charge du patient. Le but est de réduire la charge mentale et de sécuriser l’environnement professionnel.
Conclusion : Comment réussir son parcours de kiné malvoyant ?
Se lancer dans une carrière de kiné malvoyant demande de la détermination, un bon réseau d’accompagnement et des outils adaptés. Des études à l’exercice du métier, chaque jour, il s’agit d’organiser son quotidien, d’ajuster son environnement, et de rester entouré par des professionnels bienveillants.
Le métier de kinésithérapeute reste pleinement accessible : le handicap visuel n’empêche pas la compétence, la précision du toucher et la qualité de la prise en charge. L’important est d’avancer étape par étape, en s’appuyant sur son école, son Ordre, ses pairs et les ressources existantes.

