Travailler seul dans son cabinet ou partager son quotidien avec une équipe pluridisciplinaire ? Pour de plus en plus de kinés, le choix est fait. Les Maisons de santé pluriprofessionnelles deviennent les nouvelles coloc’ du monde médical. Ambiance réseau, entraide et coordination des soins : bienvenue dans le futur (ou presque) de la kiné libérale.
Imaginons un lieu où, au lieu de voir passer vos séances de rééducation en solo, vous entrez chaque matin dans un bâtiment où médecins, infirmiers, orthophonistes et vous – kinés – collaborent main dans la main pour la santé de tout le monde ? Ce lieu existe bel et bien, c’est la Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP). Une sorte de coloc’ entre professionnels de santé.
Sur le papier, c’est emballant, mais concrètement qu’est-ce qu’une MSP ? Selon le code de la santé publique, c’est une structure réunissant des professionnels de santé de premiers recours (médecins généralistes, sages-femmes, infirmiers, paramédicaux…) exerçant en libéral, au sein d’un projet de santé commun, et engagés dans une logique de coordination et de proximité. Depuis sa création, elle ambitionne de répondre à deux urgences : d’un côté, l’isolement croissant et les difficultés d’installation des libéraux ; de l’autre, la pénurie de professionnels dans certaines zones et la nécessité d’un maillage territorial renforcé.
Et pour donner quelques chiffres (parce que les grandes idées ça va, mais c’est encore mieux quand c’est chiffré) : fin 2023, on dénombrait 2 501 maisons de santé en fonctionnement en France. L’objectif fixé par l’État est d’atteindre 4 000 MSP d’ici 2027. Autrement dit : oui, ça se démocratise, en attestent les chiffres de 2017 où à peine un millier de Maisons de santé existaient sur le territoire français. En tant que kiné, ces MSP pourraient être une formidable opportunité professionnelle à ne surtout pas négliger. À bon entendeur.
Kinésithérapie et Maison de Santé : un mariage viable ?
Intégrer dans une MSP, pour un kiné libéral, ce n’est pas simplement débrancher ses appareils et venir dans un immeuble plus grand. C’est adopter un mode d’exercice différent, un peu plus collectif, un peu plus chaloupé vers l’avenir. Et ça peut avoir plusieurs atouts.
D’abord, le travail en équipe pluridisciplinaire. Imaginez : le mardi matin, après votre première séance, vous échangez quelques minutes avec l’infirmier de la structure sur un patient que vous suivez, puis la podologue qui l’accompagne vous mentionne un nouvel appareillage possible. Autrement dit, vous faites partie d’un véritable réseau médical vivant, où la synergie est importante. Ce type d’échanges réguliers, au-delà de la sympathie de couloir, ouvre la voie à la coordination des soins, aux protocoles interprofessionnels et à la prévention. C’est une dynamique que beaucoup de kinés libéraux envient : ne plus être seul derrière son plan de traitement, mais faire partie d’un maillage.
Pour un kiné, cela peut signifier participer à des protocoles de soins coordonnés.
Par exemple, la rééducation après AVC, la prise en charge des lombalgies longues ou des chutes chez les seniors qui fleurissent désormais dans ces structures. Cette ouverture aux projets est une vraie différence avec le cabinet traditionnel.
Ensuite, la qualité de vie professionnelle. Et oui, c’est un argument sérieux : mutualisation de l’accueil, du secrétariat, des locaux et du matériel. Si vous rejoignez une MSP, vous bénéficiez d’un secrétariat partagé, d’une gestion collective des rendez-vous, d’un loyer potentiellement plus raisonnable parce que divisé, d’un logiciel de dossier patient mutualisé. Résultat : moins d’isolement (terminé le « je suis tout seul dans mon coin »), moins de charges fixes à porter seul, plus de souplesse. Pour le kiné, cela peut libérer du temps, réduire les contraintes administratives, permettre aussi un équilibre vie pro / vie perso plus agréable — ce fameux « pouvoir finir avant 19h » devient un peu moins utopique. On laisse un peu la cape de super-soignant en solo pour enfiler celle de professionnel intégré, et paradoxalement, on y gagne en liberté.
Autres avantages, l’attractivité et la stabilité.
Vous voulez vous installer ? Choisir un territoire où l’offre est moindre ? La MSP peut être un levier : elle facilite l’installation dans des zones sous-dotées, grâce à l’accompagnement de l’Agence régionale de santé (ARS) et à des aides (fonds d’intervention régional, convention interprofessionnelle). Cela peut donner plus de sécurité que le système classique, avec un cadre assaini, des locaux souvent déjà financés ou à loyer raisonnable, et un milieu professionnel déjà présent. Pour un kiné, cela signifie moins de peur de « me lancer tout seul dans la nature » et plus d’opportunités d’exercer dans des zones où la demande est forte. À la clé : visibilité, patientèle, reconnaissance. Le modèle de la MSP valorise la stabilité, réduit les risques d’échec d’installation.
Enfin, et ce n’est pas le moindre argument : le projet de santé valorisant. En entrant dans une MSP, le kiné n’est pas seulement « celui qui fait des massages » (pardonnez le raccourci) mais un acteur du parcours global du patient : éducation thérapeutique, prévention des chutes, ateliers de mobilité, coordination avec l’hôpital ou les équipes à domicile. Ces missions, intégrées dans le projet de santé de la structure, donnent du sens à l’exercice libéral. De plus, la reconnaissance institutionnelle participe à la légitimité : vous faites partie d’un dispositif inscrit dans la politique de santé publique. Pour un kiné ambitieux ou simplement souhaitant donner du sens à son activité, c’est un vrai plus.
En filigrane, on voit se dessiner un modèle hybride : on conserve le statut libéral, la relation thérapeutique directe, mais on gagne en collectif, en coordination, en soutien. Et pour un kiné, c’est un pari qui peut devenir l’un des chemins d’avenir, surtout dans un contexte où les attentes des patients, des institutions et des territoires évoluent.
La MSP, un vrai avantage surtout pour la patientèle
Si la MSP séduit les professionnels, c’est aussi — et surtout — parce qu’elle répond à un besoin concret du patient. Pour la patientèle du kiné, cela signifie plusieurs choses.
Premièrement, l’accessibilité des différentes spécialités. Le patient entre dans la MSP, il sait qu’il peut voir non seulement un kiné, mais aussi un médecin généraliste, un infirmier, un orthophoniste et le tout dans un même lieu ou presque. Cela simplifie les rendez-vous et réduit les trajets, un vrai plus surtout pour les patients âgés ou fragiles.
De plus, dans une MSP, la coordination des soins est plus visible. Le patient ne vit plus les soins comme une succession de rendez-vous séparés, mais comme un parcours intégré : le kiné, après son évaluation, peut échanger rapidement avec le médecin de pour ajuster le traitement, ou avec l’infirmier pour le suivi à domicile. Du point de vue du patient, cela renforce la sécurité, encore plus pour les pathologies chroniques ou les rééducations longues. De plus, si le kiné est absent, c’est dans l’équipe qu’un collègue peut relayer. Si un patient évolue vers une hospitalisation ou un retour à domicile, la MSP (et son dossier partagé) permet de ne pas repartir de zéro. Le patient y gagne une prise en charge durable, moins fragmentée.
Une maison de santé ne se limite pas à soigner
Elle peut proposer des ateliers de mobilité, de balance, de réentrainement, de dépistage – et le kiné trouve ici un rôle d’acteur de la santé publique. Pour le patient, cela veut dire être accompagné avant que ça parte en vrille : l’intervention kiné n’arrive pas seulement après l’intervention orthopédique, mais dans un cadre pensé. Et la proximité de tous les professionnels facilite cette dimension préventive. Enfin, et c’est sûrement le plus important, pour le patient, l’image de la MSP fait sens : on entre dans un lieu où « tout le monde est là » — ce qui renforce la confiance, la lisibilité, la pérennité. Fini l’impression que le kiné est « tout seul dans son coin, j’espère qu’il aura encore des patients demain ». Pour le patient, cela incarne la structure, la stabilité, la disponibilité.
 
 
                
