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Être kiné dans les DROM : entre galère quotidienne et soleil permanent

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    Entre manque de diplômés, matériel hors de prix, patients pas toujours sensibilisés mais également un cadre de vie qui ferait pâlir n’importe quel praticien coincé dans le métro parisien, être kinésithérapeute dans les DROM a son lot de galères mais aussi de points positifs. Les kinésithérapeutes martiniquaises comme Trycia et Olivia racontent un métier sous tension mais avec soleil garanti.

    Plus que n’importe quel autre département français, les DROM se retrouvent coincés dans une situation sanitaire plus qu’alarmante. Hôpitaux sous-dotés, infrastructures vétustes, retards de soins à répétition, et une impression tenace que Paris s’occupe d’eux comme d’un vieux parent dont on prend des nouvelles uniquement quand il y a un drame. En 2022, la Fédération Hospitalière de France alertait déjà sur l’état critique des établissements de santé ultramarins, incapables de répondre correctement aux besoins d’une population souvent plus malade qu’en métropole, et plus exposée à certaines pathologies chroniques.

    La Martinique, avec ses 360 000 habitants, n’échappe évidemment pas à ce tableau. Côté chiffres, ça pique un peu ! Le CHU de Fort-de-France affiche régulièrement des lits fermés faute de personnel, alors que les délais d’attente pour un rendez-vous médical spécialisé dépassent largement ceux observés en métropole. Et pour ce qui est des kinés, la densité est légèrement inférieure : 141 kinés pour 100 000 habitants, contre environ 149 en métropole. Sur le papier, l’écart n’a pas l’air monstrueux. Mais sur un territoire où l’accès à certaines communes se fait uniquement après avoir affronté des embouteillages dignes d’un périphérique parisien en grève des transports, la moindre baisse de densité devient une vraie galère pour les patients, et pour ceux qui les soignent.

    Une négligence que dénoncent Tracy et Olivia, deux jeunes kinés installées sur l’île. « Les îles sont clairement négligées par le gouvernement français, on n’a pas le même poids que la métropole. Ici, on fait comme on peut, mais toujours avec moins de moyens », expliquent-elles. Forcément, dans ce contexte, les kinésithérapeutes martiniquais pâtissent du manque d’infrastructures et doivent jongler avec des contraintes que leurs collègues hexagonaux connaissent rarement.

     

    Les difficultés des kinésithérapeutes en Martinique

     

    La première claque, c’est le nombre de kinés formés localement. Là où la France hexagonale sort chaque année des promos de plusieurs centaines d’étudiants par région, la Martinique doit se contenter de miettes. En effet, bien que la moyenne de kinés en Martinique n’est pas alarmante, bon nombre de ces kinés viennent de la métropole et peu sont proviennent directement de la Martinique : « En comparaison avec la métropole, on a beaucoup moins de diplômés. Une promo comptabilise 20 à 25 kinés pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane réunies, ce qui est très faible pour le besoin de chaque territoire », explique Trycia, 27 ans, kiné en Martinique depuis quatre ans. Olivia, elle aussi kiné depuis 2021 et partage le même constat : « Ce manque de diplômés provenant des écoles martiniquaises est un problème qui a des conséquences. » Quelles conséquences ? « Il est souvent difficile par exemple de trouver des remplaçants sur certaines périodes de l’année. »

    Ensuite, il y a la géographie. Être kiné en Martinique, ce n’est pas seulement savoir manipuler des cervicales ou faire bosser des quadriceps récalcitrants. C’est aussi passer une partie de sa vie dans sa voiture. Dans certaines communes, il n’y a tout simplement pas de kinés. Sept d’entre elles n’ont aucun cabinet. Et même si, en théorie, 99 % des habitants peuvent accéder à un kiné en moins de 15 minutes, dans la pratique, la Martinique n’échappe pas aux embouteillages, surtout à Fort-de-France.

     

    Un problème moins visible mais tout aussi perturbant impacte directement les professionnels de santé exerçant dans les régions d’outre-mer : le coût du matériel. Commander un simple vélo de rééducation ou des tables spécifiques revient plus cher qu’en métropole, et les délais de livraison sont rallongés par le transport maritime. À cela s’ajoute une administration qui semble avoir décidé que la lenteur était un art de vivre. « C’est difficile, il faut attendre dès qu’on a des démarches à effectuer avec eux », lâche Trycia. URSSAF, sécurité sociale, ARS : chaque papier devient une petite épreuve d’endurance.

     

    Mais la difficulté ne vient pas que des institutions

    Les kinés doivent aussi composer avec une population qui peut avoir une méconnaissance de la kinésithérapie selon Tracy : « Je pense qu’ici la population est un peu en retard par rapport aux grandes villes, et ça se ressent surtout concernant leur vision de la kinésithérapie. On est vu comme des masseurs ou comme des coachs sportifs. Et quand il faut qu’ils y mettent du leur, en faisant leurs exercices chez eux ou en changeant leur alimentation, c’est parfois compliqué », explique-t-elle. En clair : convaincre un patient de faire ses exercices respiratoires ou de renforcer son dos à la maison n’est pas gagné d’avance. Beaucoup viennent chercher une séance « miracle » et repartent frustrés quand ils comprennent que la rééducation, ça demande un minimum d’investissement personnel.

    À tout ça s’ajoute une pression psychologique. Dans un contexte où le système de santé global est fragile, les kinés se retrouvent parfois à combler des trous laissés par d’autres professions médicales. Entre les pathologies lourdes, les accidents de la route fréquents sur l’île, et le vieillissement de la population (en 2022, la Martinique est devenue la région la plus âgée de France selon l’INSEE) la charge est lourde. Et sans l’encadrement institutionnel solide qu’offre la métropole, beaucoup finissent par se sentir isolés.

     

    Le revers ensoleillé de la médaille

     

    Mais attention ! Ne vous imaginez pas une bande de kinés martiniquais au bord de la dépression, prêts à fuir à la première occasion. Parce qu’il y a aussi, forcément, le côté carte postale. Et ça, aucun cabinet parisien ne pourra jamais rivaliser. « Vivre ici c’est la belle vie. Pouvoir travailler avec un soleil toute l’année n’a pas de prix, puis aller à la mer après le travail non plus. Je ne changerai ça pour rien au monde », souligne Trycia. Olivia renchérit : « Le cadre de travail est super. » Ici, pas de métro bondé, pas de smog ni de grisaille qui vous scotche au moral en novembre. La journée commence avec la lumière du soleil et finit souvent les pieds dans l’eau. Et pour un métier aussi énergivore physiquement et mentalement que la kinésithérapie, cette qualité de vie compte. Beaucoup.

    Autre avantage : la proximité avec les patients.

    Dans des territoires plus petits, le lien se crée plus vite, plus fort. Les kinés ne sont pas de simples soignants. Ils deviennent des figures locales, presque des membres de la famille. Cette proximité permet parfois de mieux suivre les patients sur le long terme, et d’obtenir des résultats plus durables. Pour les jeunes diplômés, travailler en Martinique ou dans les territoires d’outre-mer, c’est aussi une expérience unique. Mais, car il y a un mais, « l’objectif n’est pas forcément que plein de kinés métropolitains débarquent en Martinique. Si c’est pour venir acquérir de l’expérience pendant quelques mois, pourquoi pas. » En effet, attention à l’écueil bien connu : celui du « kiné-tourisme ». Certains métropolitains débarquent uniquement pour profiter du climat et des plages, sans réelle volonté de s’intégrer ou de contribuer durablement au système de santé local. Une attitude mal perçue par ceux qui, comme Tracy et Olivia, se battent au quotidien pour maintenir le service.

    Être kiné en Martinique, c’est accepter un paradoxe permanent. D’un côté, les difficultés sont légion : manque de diplômés, matériel hors de prix, administration en panne, patients parfois peu sensibilisés. De l’autre, il y a ce cadre idyllique, ce soleil qui ne se couche jamais vraiment, cette qualité de vie inégalable.

    Malgré les galères, les Tracy et Olivia du quotidien choisissent de rester, de bosser, et de rappeler au gouvernement que non, les territoires d’Outre-Mer ne sont pas des cartes postales à brandir en période électorale, mais des territoires vivants où des professionnels de santé se battent chaque jour. La kinésithérapie, ici, n’est pas qu’un métier. C’est un combat. Un combat mené au rythme des vagues, des embouteillages et des séances de rééducation. Et pour ça, chapeau.

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